Quand est-ce que ça commence ?

Cette dépendance physique a commencé quand vous avez inhalé la fumée pour la première fois. On ne s’en rend pas compte, mais tout commence là !

Les molécules de nicotine, présentes dans la fumée, vont suivre le trajet de l’oxygène, et « débarquer » dans votre cerveau en 7 à 10 secondes.

Or, le cerveau humain n’a pas été conçu pour qu’on lui envoie de la nicotine : aucun endroit, aucune case n’existe pour la ranger. Et le cerveau n’aime pas du tout le désordre…

Mais il se passe quoi ensuite ?

Devant cette invasion, le cerveau réagit très vite, et décide de ranger cette nicotine dans un récepteur naturel du cerveau. Un récepteur naturel du cerveau, imaginez ça un peu comme un « bol » posé à la surface des neurones, avec un trou dans le fond, comme un lavabo, pour que les transmetteurs naturels du cerveau rentrent dans le récepteur, traversent le neurone,  ressortent de l’autre côté, rentrent dans le neurone suivant et propagent ainsi l’influx nerveux.

Ça aurait pu être une bonne idée, sauf que ces récepteurs naturels sont hélas trop petits pour la grande quantité de nicotine qui arrive… et ils sont littéralement débordés… alors la nicotine « tombe par terre », à la surface des neurones… et là…, c’est le drame !!!

Rappelez-vous que le cerveau déteste le désordre ! Alors il va devoir trouver un plan B ! Il va faire le choix de faire pousser un récepteur spécialement conçu pour la nicotine, autour des 3 petits grains de nicotine tombés par terre.

Les scientifiques ont fait simple, pour une fois, et les ont appelés « récepteurs nicotiniques ». Retenez bien ce terme, il va vous suivre tout au long de votre sevrage.

Si ça en reste là c’est bon non ?

Ça pourrait s’arrêter là, tout est bien rangé, et le cerveau est content ! Sauf que… quand on travaille dans l’urgence, et bien, il arrive qu’on fasse des erreurs…

En l’occurrence, ce récepteur nicotinique pousse avec 2 défauts très… contrariants.

En premier, il est très gourmand, vraiment trèèèès gourmand, et il est loin d’être rempli. Il va donc vous demander encore de la nicotine. Et il ne va pas dire s’il vous plait, il va vous envoyer les sensations les plus désagréables possibles, pour que vous soyez obligé de céder et de fumer pour lui donner encore de la nicotine… Vous allez donc ressentir :

• Irritabilité
• Anxiété
• Tristesse
• Sensation de faim
• Troubles du sommeil
• Difficulté à vous concentrer.

On appelle l’ensemble de ces symptômes les signes de manque. Les 2 premiers sont très connus, et sont le plus souvent appelés, de manière abusive, stress.

Et si je refume, c’est pas si grave ?

Bref, le premier récepteur réussit à vous convaincre de rallumer une cigarette :

Alors la nicotine de la 2ème cigarette va se précipiter dans le premier récepteur et le remplir à ras-bord. Le premier récepteur est donc content, très content même, et vous aussi, car il a arrêté de réclamer, puisqu’il a eu ce qu’il voulait ! Donc vous n’êtes plus en stress.

Sauf que… Ce récepteur a un 2ème défaut : il est lui aussi trop petit, comme le récepteur naturel, et va donc, lui aussi, être débordé. La nicotine va passer par-dessus bord, et tomber, encore une fois, par terre, à la surface des neurones.

Alors le cerveau, qui trouve que sa première solution était très efficace, va faire pousser un 2ème récepteur nicotinique pour ranger cette nicotine qui déborde à nouveau. De son point de vue, ça avait fini par marcher et tout était bien rangé.

Mais ce 2ème récepteur ne sera pas rempli, lui non plus, comme le premier. A son tour, il va réclamer plus de nicotine, en vous envoyant tous les signes de manque possible, vous allez fumer une 3ème cigarette, qui va remplir le 2ème récepteur, qui va déborder, ce qui va provoquer la croissance d’un 3ème récepteur, la consommation d’une 4ème cigarette, etc etc, jusqu’à ce que, pour chacun d’entre nous, on arrive à ce qu’on appelle notre dose de croisière, celle pour laquelle notre cerveau « est fait ». Alors bien sûr, aucun cerveau n’est « fait » pour la nicotine, c’est bien pour ça que ce problème existe !

Mais pourquoi il y a plusieurs types de fumeurs ?

En réalité, chaque cerveau humain a une capacité à faire croître des récepteurs nicotiniques qui lui est propre.  A cet égard il n’y a pas d’égalité : c’est ainsi qu’il y a des fumeurs de 18 cigarettes, ou de 23, ou de 45 ! On est tous différents !

On se retrouve donc, enfin, les personnes qui ont commencé à fumer, avec un nombre x de récepteurs nicotiniques dans le cerveau.

Pour faire simple, on va dire que chacun de ces récepteurs va exiger une cigarette par jour, mais bien sûr, il y en a un nombre bien plus élevé ! Il fait 11 nanomètres de long et 8 de large. 1 nanomètre = 0,000001 millimètre. Étonnant comme un si petit truc peut nous causer autant d’ennuis !

Un fumeur de 21 cigarettes peut donc penser à ses récepteurs comme étant au nombre de 21.

Comment est-ce qu’on s’en sort ?

Avoir des récepteurs dans le cerveau oblige le fumeur à les remplir de nicotine, faute de quoi il recevra des signes de manque. On perd vraiment notre liberté de dire non.

Heureusement, on peut les faire disparaître. C’est pas facile, mais c’est faisable !

C’est l’objet de l’épisode suivant !

Faire disparaître la dépendance physique

2 possibilités pour les faire disparaître, ces récepteurs indésirables.
La première, c’est la méthode « sauvage » : vous allez les laisser mourir de faim. Sur le papier, facile : plus du tout de nicotine, vous vous campez sur vos jambes et vous résistez ! Si on les laisse vides assez longtemps, ils vont mourir de faim, un peu comme une plante verte qu’on oublie d’arroser. Sauf que la plante verte, on ne l’entend pas agoniser (elle souffre sûrement, mais on ne le sait pas…). Les récepteurs, eux, se font entendre, ils hurlent leur besoin de nicotine à coup d’irritabilité d’anxiété, de tristesse, de troubles du sommeil, de l’alimentation ou de la concentration.

Si on le supporte, au bout de quelques jours ou semaines, ils disparaissent, mais, entre-temps, vous êtes quand même en galère ! Et votre entourage aussi parfois. Vous connaissez certainement des fumeurs qui ont arrêté comme ça, ils ont été insupportables pendant quelque temps, puis sont redevenus « normaux ».
Mais c’est parfois tellement intense qu’on ne tient pas jusqu’au bout, et qu’on recommence à fumer !

Alors il y a plus confortable, c’est la méthode douce : donner quand même de la nicotine à vos récepteurs, mais bien sûr, pas de la nicotine de fumée de tabac !
On va vous proposer une nicotine que l’on va ralentir, pour qu’elle mette plusieurs minutes, voire une heure, pour arriver dans les récepteurs. Pour réussir ça, on l’a coincée dans des patchs, des gommes ou des pastilles, un inhalateur ou un spray. Parce que, quand on remplit un récipient lentement, c’est plus facile de ne pas le faire déborder.
Et il va donc être possible de remplir vos récepteurs sans les faire déborder, à 80 % environ. Là, il y a un seuil très utile : à partir de 80 % de remplissage, le récepteur admet qu’il est rempli. Il ne va pas réclamer les 20 % qui manquent, il va faire avec. Il finit par trouver que c’est pas si bien que ça, et comme il a renoncé à réclamer, il va trouver une solution originale : il va se faire plus petit. Au bout d’un certain temps, à force de rapetisser, il sera très proche des 100 % de remplissage, et là, bam !
A nouveau on lui donne un peu moins de nicotine.

A nouveau, le voilà obligé de rapetisser, etc, etc, jusqu’à ce qu’il soit, lui et tous ceux que vous aviez dans le cerveau, si petits si petits si petits que la dépendance est finie ! La dépendance physique s’entend, pas les deux autres. Pour les dépendances psychologiques et comportementales, il faudra changer vos idées et vos habitudes, en plus de l’utilisation des substituts nicotiniques.
C’est un peu long, environ 3 mois, un peu plus, un peu moins, mais au moins, c’est indolore : vous ne souffrez ni d’irritabilité, ni d’anxiété, ni de tristesse, ni de trouble du sommeil, de l’alimentation ou de la concentration.